Télétravail et développement durable
Le télétravail, un nouveau défi
Ce document s’inspire des nombreux échanges avec les dirigeants que j’ai accompagné au cours du confinement en particulier, dans le cadre de séances de coaching individuel ou de codéveloppement en groupe de pairs.
Quelques rappels tout d’abord.
Le télétravail fut abondamment utilisé pendant la période du COVID.
Mais depuis quand existe-t-il et comment va-t-il évoluer ?
I/ De quoi parle-t-on ?
Le télétravail représente « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».
En France, le télétravail apparaît dans les années 1990 mais ne se développe réellement qu’à partir des années 2010. L’ordonnance Macron en 2017, mise en place pour aider au développement du télétravail a permis aux salariés qui le souhaitaient de pouvoir adopter ce mode de travail. Pourtant seulement 29% le pratiquaient régulièrement avant la crise sanitaire 2020.
II/ Avant la crise sanitaire 2020
Des disparités importantes existaient déjà dans l’utilisation du télétravail par pays et par secteurs d’activités.
- Au niveau international. Ces disparités étaient dues aux différences culturelles et aux réponses distinctes apportées par les pays à leurs propres enjeux. Selon l’enquête des « Echos » de 2018, 46% des Suédois télétravaillaient régulièrement contre seulement 3% en Roumanie. Le Japon, quant à lui, était l’un des pays où le nombre de travailleurs en télétravail était le plus bas, tandis que le Brésil ou l’Inde comptaient respectivement 54% et 43% de télétravailleurs.
- En France par secteurs d’activités voire même par fonction : la France, avec 29% de travailleurs ponctuellement en télétravail, connaissait des disparités par secteurs d’activités aussi. Le secteur tertiaire semblait être le plus propice à la mise en place du télétravail. A contrario, les secteurs de l’industrie ou du transport nécessitaient plus souvent une présence physique sur le lieu de travail. Cela reste vrai en partie. Regardons ensemble son évolution et ses caractéristiques.
III/ Aujourd’hui
Que s’est-il passé en particulier lors de la crise sanitaire de la COVID 19 ?
Lors de l’épisode COVID 19, l’utilisation du télétravail au sein des organisations a beaucoup varié selon le secteur d’activités et selon le type de postes concernés. Si dans certaines entreprises industrielles, les commerciaux l’ont adopté à 100%, le personnel de la production n’y eu en revanche que faiblement recours. Seules les entreprises disposant déjà d’un niveau suffisant d’automatisation, ont pu gérer leur production par la prise en mains à distance. Néanmoins, les pannes importantes durent être jugulées en présentiel.
Si déjà en 2018, 61% de la population active avait exprimé son souhait de voir se développer le télétravail, la crise sanitaire récente en a permis l’expérimentation. L’engouement reste-t-il entier ?
Sans contrainte extérieure, quel serait le choix des salariés ?
Les employés qui ont expérimenté le télétravail lors de la COVID 19, l’ont en grande partie apprécié et espèrent pouvoir continuer de l’utiliser de façon ponctuelle. Mais comment peut-il s’inscrire dans une démarche de développement durable ?
IV/ Quelles sont les spécificités du télétravail : ses atouts et ses risques ?
Le télétravail doit être examiné au regard de l’ensemble des paramètres de notre vie : sociale, écologique et économique. Il peut même s’inscrire dans une démarche de responsabilité sociétale.
Quel avenir peut-on imaginer au télétravail, avec ou sans contrainte sanitaire ?
A/ Les atouts du télétravail orienté développement durable
L’individu, le collectif, l’organisation et l’environnement ont été impactés par le télétravail de multiples façons. Cette interdépendance continuera de produire ses effets sur la durée. A nous de tenter d’évaluer les opportunités et les risques d’un changement de mode de travail. Voici quelques observations d’interdépendance.
- Un individu qui ne se rend plus systématiquement sur son lieu de travail, s’épargne du temps, du stress et de l’argent en transport, ce qui, par ailleurs, réduit considérablement son impact environnemental en réduisant la pollution.
- S’il n’occupe plus que ponctuellement son bureau, une réflexion globale peut être menée afin de réduire la surface des bureaux individuels au profit des salles de réunions. Cela peut ainsi réorienter l’entreprise vers plus d’intelligence collective avec l’ensemble des acteurs de l’entreprise, voire de l’entreprise élargie (clients, fournisseurs, partenaires…).
- S’il n’est plus confronté aux interruptions régulières dans son travail, l’individu peut davantage se concentrer sur des tâches plus complexes nécessitant du recul. Un projet d’amélioration des processus peut plus aisément être mené. ( prospection, logistique , production, etc)
- S’il peut choisir l’organisation de son temps de travail, l’individu peut mieux concilier vie privée vie professionnelle, en tenant cependant compte des disponibilités de ses interlocuteurs.
Quelques bémols cependant sont à noter quant au télétravail.
B/ Les différences entre salariés
Tous les salariés ne sont pas égaux face au télétravail :
- les jeunes embauchés ont davantage besoin d’être accompagnés par des séniors, ou se réunir en mode projet. Mieux vaut donc éviter que le télétravail ne prenne trop de place dans leur nouvelle vie active. Ceci n’est pas forcément le cas des séniors expérimentés.
- Par ailleurs, les jeunes parents ayant des enfants en bas âge ne voient pas forcément d’un bon œil de devoir travailler à leur domicile. Ils ont parfois du mal à s’isoler ou peuvent être gênés par les bruits domestiques.
- De plus, faire rentrer le télétravail chez soi peut entraîner une difficulté à s’en déconnecter physiquement et mentalement quand il en est temps.
- Attention aussi aux risques psychosociaux liés à une mauvaise qualité des équipements (informatique ou l’ergonomie du couple siège/bureau).
- Cependant, il est à noter que le télétravail semble être mieux adapté aux fonctions supports qui analysent les données et peuvent aborder les sujets de fond avec recul. Ce qui n’est pas forcément le cas de la production, sauf si elle est automatisée.
- Par ailleurs, le télétravail, s’il est régulier, conduit à un management à distance bien connu de ceux qui travaillent à l’international. Il amène à structurer davantage les priorités, accepter un délai parfois plus important, responsabiliser et intégrer l’interdépendance, inventer de nouveaux signes de reconnaissance…
C/ Les échanges modifiés
L’écologie étudie les êtres vivants dans leur milieu en tenant compte de leurs interactions. C’est le réseau d’échanges (d’informations, d’énergie et de matière) qui maintient la vie et lui permet de se développer.
Le télétravail, en modifiant les échanges, en les réduisant ou les augmentant sans limite horaire comporte quelques risques sociaux qu’il ne faut pas sous-estimer. Parmi eux, lorsque les échanges sont moins nombreux, le risque peut être la réduction de la dynamique collective, une perte possible d’engagement ou un affaiblissement du sentiment d’appartenance pouvant créer une sensation d’isolement ou de solitude, et à l’extrême, un état dépressif. A l’inverse, une incapacité à limiter les échanges professionnels à toute heure peut déséquilibrer la balance fragile des relations familiales vs professionnelles.
Par ailleurs d’autres risques économiques lié au télétravail peuvent aussi apparaître comme la difficulté à maintenir la confidentialité requise faute d’un système de cryptage suffisant.
V/ Les bonnes habitudes du télétravail et zones de vigilance
Quoi qu’il en soit, le télétravail, s’il comporte des risques et des opportunités, ne disparaîtra pas de notre paysage de sitôt. Au-delà du perfectionnement des outils, sans doute le télétravail nécessitera-t-il quelques aménagements.
- Structure et rythme: la journée doit rester structurée : commencer à une heure et se terminer aussi ! Pensez à faire des pauses ! (exercice physique, méditation : chacun son style) n’enchaînez pas réunions sur réunions sans vous être détendu. Au bout d’un moment vous ne serez plus opérationnel, ni brillant ! Regroupez vos questions et organisez un point. Pensez à faire des synthèses écrites rappelant les points clés, points d’avancement et conclusions. Quant au management, des points réguliers rythmés devront aussi être mis en place (point fixe mensuel, réunion hebdomadaire de suivi de projet, évaluation trimestrielle…) : les rituels sont des clés du management.
- La convivialité: Des moments conviviaux devront être crées, quel que soit le mode de travail. C’est bon pour le moral et donc aussi pour l’efficacité : en télétravail (e café, e rituels) ou lors de moments de retrouvailles au bureau. Ces moments viendront compenser le manque de moments informels réguliers jusqu’alors fréquents au bureau et maintiendront des liens si utiles aux organisations humaines quelles qu’elles soient.
- Inspiration et ouverture: continuez d’être inspiré par l’autre : qu’il s’agisse de documentaires, contacts réseaux, podcasts ou autres, pensez à vous renouveler. Et peut-être ajouterez-vous de nouvelles personnes à vos réunions, celles qui jusqu’alors étaient physiquement trop éloignées de votre bureau et qui, en visioconférence, redeviendront accessibles.
- Ecoute attentive : en visioconférence il est plus difficile de percevoir le non verbal, et l’attention doit être aiguisée pour faciliter la compréhension de chacun. Afin de permettre une plus grande efficacité dans les échanges et pour maintenir et développer l’attention, de nouvelles méthodes de gestion d’énergie pourront être introduites comme une séance de méditation en ligne, avant une visioconférence afin de préparer l’attention de l’auditoire, ou bien une séance virtuelle de relaxation post réunion afin de détendre le mental surstimulé par une trop faible qualité de son par exemple.
Enfin si le confinement devait reprendre, apprenez aussi à vivre chez vous dans un confort accru, en créant des espaces dédiés au travail et des espaces dédiées à la famille et en évitant, autant que faire se peut, de confondre ces espaces.
Pour conclure, chaque mode de travail marque son temps.
L’accès internet lisse petit à petit les différences culturelles.
Demain, les compétences recherchées de vos collaborateurs seront liées aux capacités à se mettre en lien facilement, apprendre à comprendre l’autre dans sa différence pour mieux cocréer en partenariat, quel qu’en sera l’outil qui le facilitera. Les plus grandes habilités requises seront l’écoute attentive, l’intuition, la capacité à décoder les non-dits, à déminer les conflits larvés et à s’ouvrir à d’autres points de vue pour co-construire une offre différenciée sur le marché, avec vos partenaires, ou avec vos collaborateurs.
Vos réflexions devront intégrer les conséquences de vos choix sur un environnement plus large, au niveau local, national, international, et planétaire. Mais à titre individuel, vous aurez aussi à apprendre à mieux gérer vos propres ressources (physiques et psychiques), les économiser et en développer de nouvelles pour durer.
Alors, prêt pour demain ?